Pièce
L'Innocent egaré au Lecteur. Salut
Amy lecteur, tu doibs considerer en la lecture de ce present livre, deux choses...
Français
Adresse au lecteur (Prose)
Signé de la devise : "Assés faict, qui Fortune passe".
Terminé
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Amy lecteur, tu dois considerer en la lecture de ce present livre, deux choses : la premiere que nous l’avons escrit, partie pour monstrer le grand abus, erreur, et ignorance de l’abusée Antiquité, laquelle, si long temps a miserablement idolatré, et attribué l’honneur deu à un seul Dieu unique plasmateur de nous tous, aux choses terrestres et mortelles, par iceluy Dieu créées et mises en ce monde, pour ayder et servir sa creature, qui l’home : partie à celle fin que les poësies et histoires anciennes, lesquelles sont toutes semées et enrichies de telles fables, ne fussent à present cachées à tous ceux qui, ou à raison du sexe, comme les femmes, ou à ceux qui par faute de loisir, et à cause de leur estat incompatible avecq’ l’estude, ne se sont peu amuser aux Muses, et vacquer aux lettres, tant Latines que Greques. La seconde, que si nous eussions voulu chercher par les autheurs, tout ce qui faisoit à nostre propos nous eussions fait un grand amas d’oppinions, le plus souvent diverses, comme seroit facile de monstrer en la divise de la painture de Cupido, auquel les Poëtes Grecs ne donnent point d’aisles : disans que lors qu’il vola au Ciel pour rendre les Dieux sous son obeissance, Juppiter les luy osta, à celle fin que de rechef il n’y peust revoller. Tout au contraire les Latins ont tracé ceste fable, et les luy ont tousjours gardées. Par ce moyen nous eussions donné plus de peine au lecteur, que de plaisir : ce qui nous fust advenu tout au rebours de nostre intention, laquelle n’est que de resjouyr. A raison dequoy nous avons usé en nostre langage de la plus grand’ facilité qu’il nous ha esté possible : aymans mieux par mots receus du vulgaire estre entendus, qu’en cherchant mots exquis et antiques, obscurcir nostre propos. Assés advertis que ceux là faillent grandement qui s’estudient à trouver vocables nourris d’antiquité, et presque desja oubliés, pour rendre admirable leur escrit, et qui le plus souvent, tant ils sont affectés à telle chose, ne pardonnent aux mots Grecs, lesquelz ils ecorchent tous entiers, et en farcissent leur langage : qui est un peché (or qu’il ne provienne que de trop savoir) intollerable : principallement quand l’autheur veut estre entendu, comme celuy qui n’escrit ne Coq en l’Asne, ne Satyre. Je ne doute pas qu’aucuns desdiés à mal dire, et qui ont voué leur langue à detraction, iront mesprisans ce petit traité et l’autheur, comme celuy qui s’il se sentoit de bon esprit, ne se devoit tant abastardir que d’employer sa bien escrivante plume, et son savoir (s’il en avoit aucun) en matiere si petite. Mais je ne veux qu’à telles gens autre chose soit respondu fors, que l’argument que nous avons prins en main ne se doit appeller petit, veu que tant de doctes anciens ont sué à rouller ceste pierre, et qu’or qu’il fust petit, et qu’il n’eust merité d’arrester l’entendement, qui auroit pouvoir de passer outre. Si est-ce que sans raison en seroit blamé l’autheur, lequel s’il s’est demis à chose si basse, il ne l’a fait que pour par-cy apres (lors que le temps aggreable, et fortune riante luy donneront meilleur pennage) plus haut attaindre et d’eriger son vol vers la resplandissante lumiere de quelque bien né et victorieux Prince : voulant s’esprouver, et mettre en peril son esprit es choses petites, avant que s’empescher des difficiles et grandes, jaçoit-ce qu’en petite œuvre se puisse bien cognoistre la bonne nature et fertilité d’un esprit, voire aucunesfois mieux qu’en un grand. Car celuy ne doit encourir mespris et contennement, mais a deservy louenge, qui fait traduire petites choses selon leur qualité. Autant est renommé le capitaine des Poëtes Homere, pour
Claire Sicard
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Claire Sicard et Pascal Joubaud, Notice Texte 1229, Scripta Manent, état du : 07 décembre 2024